"Tout type de données doit avoir la même valeur." C'est ce qui apparaît dans les nouvelles guidelines sur les règles de Neutralité à respecter en matière d'accès et de régulation à Internet dans le rendu du BEREC (Body of European Regulators for Electronic Communications). Cette implémentation permet de définir un socle à respecter pour les fournisseurs d'accès à Internet.
Imaginez : vous envoyez par mail vos photos et vidéos de vacances à la famille tout en téléchargeant un fichier sur Soundcloud. Que vous soyez un utilisateur lambda qui « n’a rien à cacher » ou du genre à passer par un VPN et une boîte mail cryptée, il ne devrait pas y avoir d’impact sur l'envoi de votre mail, votre trafic ni sur votre débit. Et là, malheur, le téléchargement est lent et l’envoi refusé, rien ne passe et vous ne savez pas pourquoi.
Une déconnexion impromptue ? Non, vous avez vérifié. Une limitation de votre fournisseur d'accès ? Possible...
C’est typiquement ce que le BEREC (en français ORECE, pour Organe des régulateurs européens des communications électroniques) voulait éviter et maîtriser en révisant ses directives à l’égard des fournisseurs d’accès à Internet.
L’idée défendue est que tous les trafics issus d’Internet seront traités de la même manière. Pas de priorisation, pas de discrimination sur les données, qu’elles soient chiffrées ou non, passant par un service payant ou gratuit, ou par un autre protocole. Un aspect important de la liberté en ligne.
L’organisme, dont l'une des 3 missions principales concerne la protection des droits des consommateurs, avait lancé une consultation de ces derniers cet été. Le but : établir les lignes directrices dans l’implémentation des règles de neutralité de l’internet en vu du projet de règlement « internet ouvert et itinérance internationale » en Europe ; il impose à ses équivalents nationaux (comme l'organisme de régulation ARCEP en France) l’application stricte de ces règles.
L’impartialité du régulateur passera par le contrôle et la garantie de la conformité à ces nouvelles règles sur la neutralité du Net, afin de sauvegarder "un traitement égal non-discriminatoire du trafic dans la mise à disposition de services d’accès à l’internet et aux droits des utilisateurs finals."
Le but de ce nouveau texte est que les FAI ne classent pas les données à leur propre sauce, ni qu’ils imposent des services spécialisés. Il leur faudra également fournir toute information sur des mesures qui pourraient affecter l’accès à Internet d’un utilisateur.
L’an dernier déjà, en octobre 2015, le texte du règlement européen sur les télécoms qui avait abouti était flou, et possédait de nombreuses exceptions aux règles pour les FAI : ils pouvaient alors implanter des aspects commerciaux via des services spécialisés privilégiés dans la qualité de leurs trafics en créant des voies de trafic plus rapides.
Des associations de défense de la neutralité du Net, comme SavetheInternet, étaient montées au créneau pour dénoncer des manquements à l’un des principes souverains du Web.
En France, c’est l’ARCEP (l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes), membre français du BEREC et représentant les pratiques des opérateurs qui sera en mesure de les sanctionner dans le cadre du Projet de loi pour une République numérique, en cas de non-respect de ces nouvelles règles.
Il peut être amené à vérifier si le FAI ne pratique pas de blocage, ralentissement, modification, restriction, perturbation, dégradation ou de discrimination dans sa gestion du trafic.
Le règlement autorise trois exceptions aux FAI à la gestion :
Si les opérateurs réseaux ont peur d'une surveillance trop pesante des régulateurs sur leurs accords commerciaux, c’est qu’ils craignent la baisse des investissements en matière de haut débit. Bien qu’ils aient publié un manifeste en juillet 2016, évoquant la bride à l’innovation entraînée par ces règles sur la neutralité du Net (et le déploiement futur de la 5G), ils en seront quitte à se conformer aux choix édictés par le BEREC.
Cependant, ni les services spécialisés ni le zero rating ne sont formellement interdits dans les lignes directrices. Si le service spécialisé, qu’il soit adjoint ou en marge de l’accès Internet, "doit être obligatoirement et objectivement nécessaire", reste l’aspect du "zero rating".
Cette pratique permet de ne pas décompter de consommation de données provenant de services spécialisés (comme des partenaires proposés directement depuis une box). Le problème ? Un avantage certain pour des fournisseurs de contenus déjà populaires qui pourraient être privilégiés par davantage de bande passante, moyennant des accords avantageux pour le FAI.
Si ce point avait déjà suscité des levers de boucliers de la part des acteurs pro-neutralité, le régulateur européen a émis un avis favorable à cette pratique, à condition que le service ne soit pas spécifiquement celui d'une entreprise en particulier, et qu'il n'impacte pas la bande passante de l'utilisateur.
Le texte ne devrait plus subir de changements d’ici fin septembre, date à laquelle la loi pour une république Numérique sera votée au Parlement européen.
Reste à savoir si les FAI s’accommoderont de ces nouvelles directives ou si ces dernières feront à nouveau des vagues.
Pour avoir l’avis des intéressés (nous, vous, un peu tout le monde en somme !), le Berec a recouru à une consultation publique, qui a eu lieu sur 6 semaines pendant l’été. Habitué à recevoir quelques centaines ou milliers de réponses pour ses consultations en règle générale, il a cette fois reçu environ 480 000 réponses, soit des centaines de fois plus ! Même s’il est vrai que des associations de défense avaient mobilisé les internautes sur la question, le résultat prouve que c’est un sujet brûlant.
La question de l’importance du zero rating avait déjà été abordée outre Atlantique en février dernier sur le site référent electronic frontier foundation, très impliqué dans les questions de neutralité et de liberté d’expression sur Internet.